Internet en France : ce qu’il faut retenir du rapport 2025 de l’Arcep |
————— 04 Juillet 2025 à 21h54 —— 23971 vues
Internet en France : ce qu’il faut retenir du rapport 2025 de l’Arcep |
————— 04 Juillet 2025 à 21h54 —— 23971 vues
L’Arcep vient de publier l’édition 2025 de son rapport sur l’état de l’internet en France. Quatre vingt-quatre pages, avec certes plusieurs infographies, mais surtout des tonnes de texte écrit tout petit. Au départ, l’idée de passer tout ça à la moulinette d’un LLM nous a bien traversé l’esprit, mais non sans de sérieux doutes quant à sa capacité à en extraire les informations qui nous paraissaient les plus pertinentes — et, accessoirement, à les digérer pour vous les restituer convenablement. La section consacrée à l’impact écologique du numérique a fini de nous dissuader. Place donc à une synthèse à l’ancienne, artisanale, avec forcément son lot d’étourderies et ses biais. Considérez que l’exercice consiste davantage à trier le bon jus du mauvais qu’à une extraction intégrale. Dans tous les cas, à la fin de cette lecture, vous devriez avoir quelques éléments pour vous la raconter lors de votre dîner galant — ou du déjeuner en famille de dimanche.
Le rapport décline d'abord son menu avec d'emblée plein d'amuse-bouches sucrées-salées, sans grande cohérence gustative. Le premier instant porte sur les usages. Pêle-mêle, nous y apprenons que 84 % des Français utilisent Internet quotidiennement, ou que 72 % passent plus de deux heures par jour scotchés devant un écran… pour leur usage personnel. Aussi, que 32 % d'entre eux possèdent un forfait mobile avec plus de 100 Go mensuels, mais que la consommation moyenne par SIM sur la période est de 16,6 Go. À propos des ChatGPT, Mistral et consorts, une personne sur trois en a déjà fait usage en 2024. Et chez les jeunes de 18 à 24 piges, ce n’est pas 33 %, mais plutôt 77 %.
Le deuxième service porte sur Internet. Là encore, c’est une ratatouille de mets. 2,6 millions de foyers supplémentaires ont été raccordés à la fibre en 2024, portant à 40,6 millions le contingent de locaux fibrés. Le pays compte plus de SIM que de résidents, avec 84 millions de cartes, dont 24 millions en 5G.
Vient ensuite le plat principal des interconnexions. Nous espérons que vous avez encore de l’appétit, puisque le trafic entrant au point d’interconnexion s’établit à 50,8 Tbit/s, soit une progression annuelle de 9,2 %.
À propos du trafic sortant du réseau des quatre tauliers du secteur (Orange, SFR, BT, Free), il est de 5,1 Tbit/s (+17,5 %). Ce trafic a triplé depuis la fin 2019. Cela donne un taux d’asymétrie en baisse de 1 Gbit/s (sortie) pour 9,9 Gbit/s (entrée).
Chez les quatre FAI précités, le trafic entrant provient à 47 % de 5 acteurs : Netflix, Akamai, Facebook, Google et Amazon. Et non, même en 6e position, aucune trace du CDH :'(
En guise de pré-dessert, l’Arsept nous sert l’IPv6. Sur les 100 pays comptant le plus d’internautes, la France est carrément deuxième, derrière l’Inde, en taux utilisation de ce protocole réseau.
En chiffres, 87 % des clients « fixe » et 70 % des clients « mobile » sur le marché grand public sont connectés en IPv6 et la quasi-totalité devraient l’être d’ici à fin 2027. Au global, en incluant les entreprises, le taux d’IPv6 est de 69 %. Quant aux sites web, 35 % sont disponibles en IPv6.
Free est à la ramasse car l'IPv6 n'est activé par défaut que depuis mars 2025 (la courbe de la deuxième image anticipe un peu, l'annonce ayant été faite fin 2024).
L’environnement fait office de dessert. En un an, les émissions de gaz à effet de serre, la consommation électrique et le volume des prélèvements d’eau des opérateurs de centres de données ont augmenté de respectivement +11 %, +8 % et + 19 %. Les émissions de gaz à effet de serre des principaux opérateurs télécoms ont progressé de + 4 % en un an. Du côté des clients, nous découvrons que 95 % de la consommation électrique des box ne dépend pas du trafic internet ou de leur sollicitation. Il est aussi stipulé que l’impact environnemental de la réduction du volume des terminaux est contrebalancé par l’augmentation de la taille des écrans, puisque « un téléviseur de grande taille d’écran consomme en moyenne 6 fois plus d’électricité qu’un modèle de petite taille ». Aucune précision sur la distinction entre petite taille et grande taille.
Une part important du rapport est consacrée à l’importance de la neutralité du net (en témoignent les deux vignettes de BD présentes dans le document et reprises dans cet article), et surtout aux menaces que font peser les IA génératives sur l’accès aux contenus. Au-delà du taux d’utilisation des chatbots retranscrit plus haut, le rapport précise que 69 % des 18-24 ans utilisent les outils d’intelligence artificielle dans leur vie professionnelle ou dans le cadre de leurs études, contre 41 % des 25-39 ans. Mais également que 58 % des 18-24 ans l’utilisent dans leur vie privée, tandis que le taux s’élève à 41 % chez les 25-39 ans. Le rapport cite une autre étude récente réalisée par l’institut Ipsos qui confirme cet engouement pour l’IA générative : 48 % du panel de Français interrogés indiquent utiliser de tels services pour effectuer des recherches sur le web. Clairement, le moteur de recherche « basique » tel que nous l’expérimentons depuis des années en est à son crépuscule.
Les auteurs estiment que les IA génératives deviennent de nouveaux intermédiaires algorithmiques, influençant fortement l’accès aux contenus. Les utilisateurs délèguent leurs choix à des systèmes opaques, fondés sur des modèles puissants mais peu explicables. Surtout, ces IA ne se contentent plus d’organiser ou de relayer des contenus tiers : elles les génèrent elles-mêmes, donnant un poids inédit aux paramétrages opérés par leurs éditeurs. Résultat : un risque accru de biais, d’enfermement algorithmique et de perte de contrôle pour l’utilisateur, d'après le rapport.
Pour sensibiliser à ces enjeux, l’Arcep a publié une affiche académique en janvier dernier. Elle « récapitule les axes et problématiques de recherche concernant l’impact de l’IA générative sur l’internet ouvert ».
Dans une tribune publiée dans Le Monde en juillet 2024, Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, écrivait :
En contrôlant directement l’accès au savoir et son partage au cœur du modèle d’internet, les IA génératives menacent notre liberté de choix dans l’accès aux contenus en ligne ainsi que notre liberté d’expression. Il s’agit d’une remise en cause fondamentale du principe d’ouverture d’internet : tous les fournisseurs d’accès à internet ont l’interdiction de discriminer l’accès aux contenus qui circulent dans leurs réseaux.
Elle ajoutait en mars 2025 dans Les Annales des Mines :
L’IA générative redéfinit en profondeur les relations technico-économiques sur le marché du contenu. Les fournisseurs de contenu traditionnels (les médias mais aussi les modèles de communs numériques type Wikipédia) auront-ils toujours la capacité à rendre disponible du contenu aux utilisateurs ? […] À la lumière de notre expérience en matière de neutralité du net, il sera nécessaire de veiller à ce que le pouvoir de marché des "générateurs de contenu structurants" n’entrave pas la richesse du contenu d’internet et laisse suffisamment de liberté aux utilisateurs et innovateurs de consulter et partager le contenu de leur choix.
Si le sujet vous intéresse, vous pouvez naturellement consulter le rapport complet de l’Arcep (lien en fin d'article), qui regorge de réflexions. Nous vous recommandons également notre article IA et modèles de langage : que deviennent vos données ?, pour élargir la perspective.
Pour les plus téméraires, une émission de France Culture intitulée IA et écriture scolaire : vers une pensée assistée ? mérite également l’écoute. Très schématiquement, l’un des intervenants y rappelle que l’histoire humaine, telle que nous la concevons, commence avec l’invention de l’écriture, et que le Verbe a toujours été un puissant vecteur d’émancipation. Il s’interroge donc sur ce que signifie, pour nos sociétés, l’émergence d’outils commerciaux — gratuits dans leurs versions d’appel, payants dans leurs déclinaisons les plus avancées — capables de générer en quelques secondes plus de tournures (plus ou moins bien ciselées) que mille Victor Hugo cocaïnomanes réunis. Selon lui, cette marchandisation de la langue — déjà à l'œuvre depuis longtemps dans les algorithmes de recherche, mais à un degré bien moindre — risque, appliquée désormais directement au contenu lui-même, et dans des proportions jusqu’ici inimaginables, de produire des effets particulièrement délétères.
Mais revenons-en à l’impact environnemental du numérique, et des IA. Malgré leur capacité à produire à la chaîne des contenus en un éclair — là où un humain, même dopé au café, mettrait des heures, — il n'est pas inutile de rappeler que ces systèmes le font avec une efficacité énergétique disons discutable. Ceci dit, en l'état, une infographie assez intéressante montre que, hors terminaux connectés en 4G ou 5G, la fabrication reste le poste le plus émetteur de CO₂ par heure d’usage, bien devant la consommation en phase d’utilisation.
![]() | Un poil avant ?La Switch 2 fait mauvais accueil aux stations d’accueil tierces | Un peu plus tard ...Test • Crucial T710 (SM2508 + TLC 276L) | ![]() |
 | |
 | |
 | |
 | |
 | |
 | |
 | |
 | |
 | |
 | |
 | |
 |